Description

Cépage emblématique de la Suisse romande, originaire de l’arc lémanique.

Général & Histoire

Le Chasselas est un cépage indigène à l’arc lémanique dont l’origine a longtemps fait débat. En 2009, l'auteur a mené une étude historico-génétique sur les origines du Chasselas en collaboration avec Claire Arnold à l’Université de Neuchâtel afin de tenter de faire la lumière sur son origine.

De nombreuses légendes ont été formulées au sujet de son lieu d’origine. D’aucuns estiment qu’il aurait été rapporté d’Égypte, où il se nommerait Fayoumi. D’autres pensent qu’il aurait été introduit de Turquie par un ambassadeur de François 1er, le Vicomte d’Aulan. D’autres encore supposent qu’il serait né en France dans le village de Chasselas, en Bourgogne, tandis que plusieurs ampélographes considèrent qu’il serait originaire de l’arc lémanique. Dans les faits, sa première mention écrite apparaît en 1612 dans deux documents: 1) le livre de François Gentil Le jardinier solitaire où il est présenté comme un raisin de table (destiné à être mangé) sous le nom de Chasselas aux côtés du Muscat, et 2) l’Historia Plantarum Universalis du naturaliste bâlois Jean Bauhin, où il apparaît comme raisin de cuve (destiné à faire du vin) sous les noms de Fendans, Fendant ou Lausanois [sic], trahissant ainsi son origine probable. En effet, sa première mention dans le canton de Vaud (Suisse) apparaît en 1696 sous le nom de Fendant Blanc près de Lausanne, nom qui sera abandonné au début du XXe siècle au profit des noms d’appellation ou de village. En 1848, le Fendant vaudois est massivement introduit en Valais où il n’existait alors qu’en traces. Dès lors, le nom de Fendant y a perduré tant et si bien qu’en 1966 le Tribunal fédéral en a octroyé l’usage exclusif au Valais.

L'auteur n’a pas pu trouver les parents du Chasselas avec le test ADN, sans doute parce que c’est un cépage très vieux et que ses parents ont certainement disparu, faisant de lui un cépage orphelin. Après comparaison génétique avec plus de 500 cépages de 18 pays d’Europe et du Proche-Orient, il a pu rejeter catégoriquement une éventuelle origine orientale du Chasselas, et localiser son berceau d’origine au carrefour entre l’Italie, la Suisse et la France. En combinant les regroupements génétiques avec les données historiques, l’arc lémanique se dessine comme centre d’origine du Chasselas, possiblement l’actuel canton de Vaud où s’observait encore au début du XIXe siècle la plus grande biodiversité dans le cépage Chasselas. Le test de paternité indique que le Chasselas est le possible géniteur naturel du Béclan du Jura (F), de la Dongine de Savoie (F) et du Mornen Noir de Rhône-Alpes (F), illustrant sa vaste distribution historique (NB: l’un d’eux pourrait théoriquement être un géniteur du Chasselas).

Le lieu d’origine d’un cépage est généralement l’endroit où l’on observe actuellement la plus grande biodiversité. Pour le Chasselas, il s’agit indubitablement de l’arc lémanique, où le fameux botaniste Augustin Pyrame de Candolle en recensait 42 types en 1820 dans sa collection du Jardin botanique de Genève, collection aujourd’hui malheureusement disparue. Afin de sauvegarder ce qui a survécu de la grande diversité d’antan, la station fédérale de recherche agronomique Agroscope a écumé les vieux vignobles et récupéré à ce jour plus de 300 clones ou biotypes de Chasselas, œuvrant ainsi à la sauvegarde et à la conservation de la biodiversité du cépage. Une partie de cette biodiversité est illustrée par 19 formes différentes de chasselas réunies dans le Conservatoire mondial du Chasselas à Rivaz (VD), au milieu des vignobles en terrasses de Lavaux classés au patrimoine mondial de l’UNESCO en 2007.

Zone de distribution hier et aujourd'hui

3838.2 ha, planté surtout en Suisse romande, majoritairement dans le canton de Vaud (2287 ha), puis en Valais (944.8 ha sous le nom de Fendant), à Genève (303.2 ha) et à Neuchâtel (172.8). En Suisse allemande, le Chasselas est nettement moins répandu, cultivé en général sous le nom Gutedel.

Le Chasselas/Fendant règne depuis longtemps en maître sur les cépages blancs en Suisse. Cependant, dès la fin du XXe siècle, de nombreuses causes ont provoqué une nette diminution de ses surfaces: la surproduction des années 1982-1983 a terni sa réputation, la révolution qualitative (introduction des quotas) au début des années 1990 a favorisé les cépages moins productifs, et les habitudes de consommation se sont sensiblement détournées du Chasselas dès les années 1990, si bien qu’en 2001 un programme de ré-encépagement (primes à l’arrachage) a été établi par la Confédération. En conséquence, même si le Chasselas reste le cépage blanc le plus répandu en Suisse, depuis 1986 les surfaces ont globalement diminué de 40 %, dont 20 % dans le canton de Vaud et 60 % en Valais. La tendance actuelle n’est pas à la hausse, et comme l’âge moyen des vignes de Chasselas augmente, il y en aura
de moins en moins. Cependant, le retour des consommateurs vers des vins plus élégants, légers et digestes permet d’espérer une revalorisation du Chasselas au niveau local et national, en mettant l’accent sur ses différentes expressions selon les terroirs.

Hors de Suisse, le Chasselas est également cultivé pour faire du vin en Allemagne, en France, en Italie, en Espagne, en Autriche, en Hongrie ainsi qu’aux USA (Californie), au Canada et au Chili. Le « Concours Mondial du Chasselas» qui se tient chaque année au Château d’Aigle (Vaud) témoigne du caractère cosmopolite de ce cépage.

Aptitude spécifique

Les vins de Chasselas sont de formidables révélateurs de terroir. Ils offrent une palette aromatique subtile mais vaste, allant de la neutralité la plus désarmante à l’élégance personnifiée. Ses caractéristiques dépendent également des rendements et du choix de vinification (avec ou sans fermentation malolactique). En outre, malgré sa faible acidité naturelle, le Chasselas peut acquérir avec le vieillissement des arômes de miel, de fleurs de sureau, de camomille, avec une texture onctueuse, presque grasse, en opposition avec la fringance de sa jeunesse.
Vin social par excellence, le Chasselas ou Fendant est servi en toutes occasions, pour un apéritif, un mariage, un enterrement, une élection, une signature de contrat, une remise de diplôme, etc., qui font de ce vin le ciment social des cantons romands. C’est également le compagnon idéal des plats typiquement suisses à base de fromage: fondue, raclette et croûte au fromage.
Dans le canton de Vaud, certains noms de villages ont acquis une réputation locale similaire à celle des climats de Bourgogne, comme par exemple Féchy Vignoble Classé sur La Côte, ou les deux Grands Crus
« Calamin » et « Dézaley » dans le Lavaux. Il est difficile de synthétiser les différentes expressions du Chasselas dans le canton de Vaud, mais on y retrouve souvent des arômes de fleur de pommier, de pêche de vigne et de pierre mouillée, avec une texture fine, élégante, vivifiante, offrant une grande buvabilité (ou un « goût de reviens-y », comme on dit localement).

En Valais, le Fendant est planté sur une mosaïque de terroirs situés dans le climat le plus chaud et le plus sec de Suisse, résultant en des vins plus puissants, aromatiques et solaires, avec des arômes de pierre à fusil et d’ardoise chaude, une bouche ample et grasse, souvent revigorée par une pointe de gaz carbonique qui maintient la fraîcheur et la buvabilité.

Dans le canton de Genève, les vins sont fruités, frais et légers, relevés par un discret pétillant, d’où son nom local de Perlan qui n’est plus vraiment utilisé.

Dans la région Neuchâtel-Trois Lacs, les vins de Chasselas sont caractérisés par des arômes d’agrumes, de poire et d’abricot, avec une structure ample et fraîche et une finale sur les éclats de silex.

Spécialité neuchâteloise, le Neuchâtel Non Filtré est un Chasselas qui est mis en bouteilles au début du mois de janvier sans filtration finale, conservant une robe trouble. C’est le premier vin de l’année, qui offre des arômes d’agrumes, d’ananas et une bouche gourmande et charnue, contrastant avec les autres Chasselas qui sont plus cristallins.

Autres

Le nom Chasselas dérive sans doute du village de Chasselas près de Mâcon en Saône-et-Loire en Bourgogne, d’où les premières boutures comme raisin de table ont probablement été distribuées en France. Le nom Fendant désigne quant à lui un type de Chasselas dont les baies se fendent quand on les presse entre les doigts, par opposition au type Giclet dont les baies… giclent.

Le Chasselas est orphelin, mais il est le probable géniteur naturel du Béclan du Jura (F), de la Dongine de Savoie (F), et du Mornen Noir de la région Rhône-Alpes (F).
(NB : l’un d’eux pourrait aussi théoriquement être un des géniteurs du Chasselas, mais ce dernier est beaucoup plus ancien).

Littérature

·Vouillamoz, J. (2017). Cépages suisses, histoires et origines. Ed. Favre

Organisations gouvernementales

· Base de données nationale RPGAA

Organisations non gouvernementales

·
ProSpecieRara