Les types de prairies
La composition botanique d’une prairie permanente ou d’un pâturage est le résultat des influences du lieu (humide/sec, doux/rude, ensoleillé/ombragé, altitude, type de sol, valeur pH, équilibre nutritif du sol etc.) d’une part et de l’exploitation (fauche/pâture, précoce/tardif, fréquent/rare, non fertilisé/moyennement fertilisé/fortement fertilisé, interventions d’entretien) d’autre part. Le peuplement végétal se maintient et la composition botanique reste stable si les facteurs d’influence sur une prairie sont constants sur une longue période de temps. Les groupes végétaux sont généralement appelés unités de végétation ou types de prairies.
Vue d’ensemble
Regroupés selon les quatre intensités d’exploitation de base – de “intensif” à “extensif” – on distingue pour les herbages permanents généralement treize types de prairies communes sur le versant nord des Alpes et dans le Jura. Ils portent le nom d’espèces importantes, principalement des plantes indicatrices.
Utilisation intensive
Dans ce groupe se trouvent des unités de végétation très fréquemment fauchés ou pâturés, à fertilisation intensive :
·Prairie à ray-grass d’Italie
·Prairie de fauche-pâture à ray-grass anglais et à pâturin des prés
·Prairie à vulpin des prés
Utilisation mi-intensive
Dans ce groupe se trouvent des unités de végétation fréquemment fauchés ou pâturés, à fertilisation moyenne :
·Prairie à dactyle
·Prairie à crételle
Utilisation peu intensive
Dans ce groupe se trouvent des unités de végétation à utilisation tardive et fertilisation modeste, de valeur écologique précieuse :
·Prairie à fromental
·Prairie à avoine jaunâtre
·Pâturage à liondent
·Prairie à agrostide et fétuque rouge
·Prairie humide et grasse (avec deux sous-types : prairie à populage et pâturage à joncs)
Utilisation extensive
Dans ce groupe se trouvent des prairies et pâturages écologiquement précieux qui ne sont pas fertilisés et sont utilisés très tardivement :
·Prairie à brome
·Pâture à nard raide
·Prairie de litière (avec trois sous-types : prairie à Molinie, pelouse à laiche de Davall et pelouse à laiche brune)
Prairies à utilisation intensive
• Il s’agit de prairies de type « fauche » ou « fauche-pâture » qui peuvent être utilisés particulièrement fréquemment et qui nécessitent et supportent une fertilisation régulière et intensive.
• Ce n’est que dans le type de prairies avec ray-grass anglais et pâturin des prés que le couvert végétal est suffisamment dense et robuste pour le pâturage ; dans les types avec ray-grass d’Italie et vulpin des prés elle est souvent ouverte et non résistante à l’usure.
• Ce type de prairie fournissent de grandes quantités de fourrage vert et conservé de la plus haute qualité, constituant l’épine dorsale de la production de lait et de viande à base de fourrage grossier.
La catégorie des prairies à gestion intensive comprend trois types de prairies, dont deux se situent sur des lieux à conditions favorables et un à conditions défavorables aux ray-grass. Ces prairies de type « fauche » ou « fauche-pâture » ont – à condition d’être gérées avec soin – une capacité de rendement élevée à très élevée et une excellente valeur nutritive combinée à une grande appétibilité du fourrage, lequel est facile à conserver. Elles sont pour la plupart pauvres en espèces, mais ont une composition botanique stable.
Cette catégorie comprend également les peuplements de mauvaise qualité qui ne peuvent pas être décrits avec précision et qui se créent lorsque des prairies intensives sont exploitées et fertilisées de manière trop intensive et qui dégénèrent en prairies de mauvaises herbes à faible rendement.
Les prairies à utilisation intensive sont très productives mais ne contribuent au maintien de la biodiversité que dans de rares cas.
Caractéristiques du lieu des trois types de prairies de cette catégorie
Prairie à ray-grass d’Italie : se développe dans des régions de plaine et de collines de la Suisse centrale et orientale, dans des lieux à conditions favorables aux ray-grass : très doux, exempt de neige à la fin de l’hiver, à précipitations fréquentes et sol perméable.
Prairie de fauche-pâture à ray-grass anglais et à pâturin des prés : se développe dans des régions de plaine et de collines jusqu’à environ 900 m d’altitude, dans des lieux à conditions favorables aux ray-grass : doux, non ombragé, à précipitations suffisantes et sol perméable.
Prairie à vulpin des prés : se développe dans des régions de plaine à montagne, dans des lieux défavorables aux ray-grass anglais : climat frais, à sol lourd et humide.
Prairies à utilisation mi-intensive
• Ce sont des prairies et des pâturages à fertilisation moyenne sur des lieux de moyenne et haute altitude qui ne conviennent pas ou peu aux ray-grass, et qui ont par an une utilisation en moins que les prairies et pâturages gérés de manière intensive.
• La prairie à dactyle se caractérise par le dactyle (Dactylis glomerata) formant des touffes et des herbacées. Le couvert végétal est souvent ouvert, sensible aux dégâts suite à des erreurs d’exploitations.
• Les prairies à dactyle «extensifiées» ont rarement une valeur écologique élevée.
• Les prairies pâturées à crételle (Cynosurus cristatus) sont des pâtures permanentes ou des prairies de fauche-pâture avec une composition botanique stable à des endroits situés au-dessus des zones favorables pour prairies de fauche et de pâture à ray-grass anglais et à pâturin des prés.
• Les deux types se caractérisent par de bons rendements avec une bonne valeur fourragère, si les peuplements végétaux ont une composition équilibrée.
La catégorie des prairies à utilisation mi-intensive comprend deux types de prairies, une prairie d’une composition botanique plutôt instable pour la fauche (prairie à dactyle) et la prairie de pâture à crételle avec une composition botanique plus stable. Aux prairies à dactyle s’ajoutent également les prairies de mauvaise qualité difficilement descriptibles, qui découlent d’une fertilisation trop poussée de ces prairies.
Les prairies à dactyle n’ont pas d’espèces de plantes formant un gazon dense, ce qui met beaucoup plus à l’épreuve la capacité de l’exploitant de les maintenir dans un état stable en permanence comparé à la plupart des autres types de prairies. Elles ont une valeur fourragère précieuse si l’on parvient à trouver et à maintenir le bon niveau d’intensité d’exploitation. D’autre part, les prairies pauvres en espèces et riches en herbacées resp. mauvaises herbes produisent un fourrage de mauvaise qualité et les pertes d’émiettement sont élevées.
Ce type de prairie est souvent volontairement “extensifiée”, c’est-à-dire à peine plus fertilisée et utilisée plus tard qu’auparavant. Si les exigences de gestion de l’OPD (Ordonnance des paiements directes) sont remplies, elles peuvent être déclarées comme prairies extensives ou peu intensives de niveau de qualité I. Sur le plan botanique, cependant, elles ne changent guère, ou tout au plus par étapes de plusieurs décennies, vers une qualité qui répond aux critères du niveau de qualité II.
Les prairies de pâture à crételle sont des pâturages robustes et de grande valeur dans les régions dont les conditions ne sont pas ou peu favorables aux ray-grass.
Les prairies à dactyle et les pâtures à crételle se développent les deux en plaine jusqu’en zone de montagne inférieure, dans des zones défavorables ou à peine favorables au ray-grass.
Prairies à utilisation peu intensive
• Ce sont d’une part les prairies de fauche traditionnelles de la plaine à la zone de montagne, où les prairies de composition botanique “authentique” sont devenues extrêmement rares aujourd’hui, surtout dans la zone de plaine.
• Elles sont modérément fertilisées, de préférence avec du fumier, et sont donc considérées comme des prairies grasses. Cependant, ces dernières années, de nombreuses prairies n’ont plus été fertilisées dans le but d’optimiser les contributions conformément à l’OPD, ce qui peut détériorer leur peuplement végétal.
• La fauche de foin se fait tardivement. Selon leur emplacement, elles tolèrent bien une pâture d’automne.
• D’autre part, trois prairies légèrement fertilisés et d’utilisation très différente appartiennent également à cette catégorie d’intensité : la prairie à fétuque rouge et à agrostide (Jura, Préalpes), le pâturage à liondent (zone alpine) et la prairie humide et grasse (plaine à la zone alpine).
• Tous ces types de prairies – s’ils ont une composition botanique typique – ont en commun que leur valeur écologique est – dans la plupart des cas – supérieure à leur importance en tant que fournisseurs de fourrage grossier.
La catégorie des prairies à utilisation peu intensive comprend deux types de prairies qui ont traditionnellement toujours eu une coupe de foin tardive et, selon l’altitude, une ou deux utilisations consécutives. Ainsi, les nombreuses espèces atteignent la maturité des semences à quelques années d’intervalle et le foin séché au sol assure la régénération des peuplements végétaux. Les prairies à fromental et à avoine jaunâtre ont depuis toujours été fertilisées avec du fumier, rarement avec du lisier en très faible quantité.
Le rendement fourrager des peuplements riches en graminées est souvent très élevé à la première pousse, mais il diminue ensuite fortement pendant le reste de la saison de croissance. La qualité fourragère du foin de ces prairies ne répond plus aujourd’hui aux exigences élevées de la production animale intensive, mais est très adaptée à des performances inférieures ou à des phases de tarissement. Les coupes de regain à faible rendement, par contre, ont une bonne qualité de fourrage.
Avant l’intensification de la culture fourragère (apports de lisier élevés, engrais minéraux, coupes de conservation beaucoup plus précoces), les prairies traditionnelles à fromental et à avoine jaunâtre étaient très répandues en Suisse. Pour des raisons écologiques (diversité de la flore et de la faune), il est judicieux et nécessaire de préserver et d’entretenir les exemplaires restants à côté des prairies utilisées de manière intensive. De nombreuses prairies à fromental et à avoine jaunâtre ont le potentiel de répondre aux exigences des zones de biodiversité selon les niveaux de qualité OPD I et éventuellement II ou également celles des contributions à la conservation de la nature.
Afin d’optimiser les contributions financières, les prairies à fromental en particulier ne sont souvent plus fertilisées et sont ensuite déclarées comme “prairies utilisées de manière extensive”. L’abandon complet de la fertilisation modifie la composition botanique de la prairie, mais ne conduit pas nécessairement à une meilleure qualité écologique. Ce changement d’exploitation n’a souvent aucun sens d’un point de vue agronomique ou écologique.
Le fourrage des trois autres types appartenant à la catégorie des prairies à utilisation peu intensive est de qualité différente : bon pour le pâturage à liondent, modéré pour la prairie à fétuque rouge et à agrostide et faible pour la prairie humide et grasse.
Caractéristiques du lieu des 5 types de prairies de cette catégorie
Prairies à fromental (Arrhenatherum elatius) : se développent dans des régions basses, en zone de plaine jusqu’à basse montagne, sèches à humides.
Prairies à avoine jaunâtre (Trisetum flavescens) : se développent en zones supérieures dans la basse montagne jusqu’à la zone alpine, fraîches à humides.
Prairies à agrostide (Agrostis capillaris) et à fétuque rouge (Festuca rubra) : se trouvent dans le Jura et les Préalpes, en endroits frais et ombragés.
Pâturage à liondent (Leontodon hispidus) : se trouvent en zones alpines de basse à moyenne altitude, sèches à humides.
Prairie humide et grasse (deux sous-types) : se trouvent en régions de plaine jusqu’à la zone alpine, humides à très humides.
Prairies à utilisation extensive
Il s’agit de prairies ou pâturages maigres, qui ne sont donc pas fertilisés. Ces prairies sont fauchées très tard et elles sont destinées, en fonction de leur composition botanique, à préparer du foin ou de la litière. Leur importance particulière est due à leur grande valeur écologique et non à la production de fourrage grossier.
La catégorie des prairies extensives comprend trois types de prairies, dont la composition botanique est particulièrement marquée par l’influence de facteurs naturels tels que le sol, le bilan hydrique, la température, l’exposition et la disponibilité en éléments fertilisants. La diversité entre elles est donc très prononcée. Sans le même type et la même fréquence d’utilisation et d’entretien, qui ont souvent été les mêmes pendant des décennies, elles disparaîtraient plus ou moins rapidement en tant que prairies et se transformeraient en zones boisées sous la limite forestière. Leur pérennité nécessite une intervention humaine régulière, c’est-à-dire une exploitation.
Les prairies exploitées de manière extensive sont particulièrement présentes là où ils n’ont pas été intensifiées en raison de conditions de lieu inadaptées et/ou d’une gestion qui prend beaucoup de temps. Elles sont souvent très riches en espèces, d’une grande valeur écologique et paysagère et ont le potentiel de répondre aux exigences des surfaces de biodiversité selon les niveaux de qualité OPD I et II, éventuellement aussi celles des contributions à la conservation de la nature. En tant que fournisseurs de fourrage grossier ou de litière, en revanche, elles ont dans la plupart des cas une importance de troisième rang seulement.
Caractéristiques du lieu des 3 types de prairie de cette catégorie
Prairie à brome : elles se situent en régions de plaine jusqu’à la montagne, en zones sèches, ensoleillées et ayant souvent un sol peu profond.
Pâturage à nard raide : se trouve dans les Alpes, dans les régions de montagne supérieure, mais est rare dans le Jura. Ce pâturage se développe en zones fraiches, avec un sol acide et pauvre en éléments fertilisants.
Prairie de litière (trois sous-types) : se trouvent à toutes les altitudes, en zones souvent humides ou à humidité permanente.
Les treize types de prairies listés ci-dessus sont décrits dans les détails dans les articles suivants. Sont évoqués les lieux où ils sont présents et leur origine, les exigences que leur peuplement végétal exige à la gestion afin de rester botaniquement stable, et les valeurs qu’ils ont d’un point de vue agricole-productif et écologique.
En plus des prairies décrites ici, il existe de nombreuses prairies de mauvaise qualité avec des couverts végétaux pauvres en espèces – principalement dus à une mauvaise gestion – ainsi que des formes transitoires qui ne s’intègrent dans aucun des types classiques de prairies.
Source du texte :
· eADCF, savoir-faire en production fourragère
Remerciements :
Un grand merci à Silvana Manzocchi pour la relecture, l’adptation, et la mise à disposition de certaines photos autour de la thématique des plantes des prairies, et à Massimiliano Probo pour la mise à disposition des textes de l’ADCF.